Mesnac est tout entier compris dans le Pays Bas, une dépression de 4 à 12 kilomètres de large et de quelque 40 kilomètres de long entre Jarnac et Saint-Jean d’Angély. L’altitude y varie de 9 à un peu plus de 20 m. Deux affluents de la Charente y ont leur lit : l’Antenne et la Soloire.

Il y a quelque 140 à 150 millions d’années, durant cette dernière époque de l’ère jurassique qui a longtemps été appelée le portlandien avant d’être rebaptisée tithonien en 1990, a eu lieu une régression marine qui n’a laissé là qu’une lagune saumâtre. Celle-ci se serait maintenue jusqu’au début du crétacé (étage berriasien). Il en résulte un « faciès » spécifique, le purbeckien, mélange « à peu près égal de calcaire (sédiments d’origine marine) et d’argile (sédiments d’origine terrestre) ». Ces sédiments argilo-marneux incluent des dépôts salins issus de l’évaporation – le gypse – ainsi que des fossiles qui font le bonheur des paléontologues (gisement de Champblanc).

Même si certaines de ses assertions, en particulier de ses datations, ont été corrigées depuis, la référence est ici Henri Coquand qui, dans sa Description physique, géologique, paléontologique et minéralogique du département de la Charente (tome I, 1858), écrit notamment :

 “Étage purbeckien. 
On observe, dans les deux Charentes, au-dessus de l’étage portlandien et concordant avec lui, un système particulier de couches caractérisé par la présence du gypse et par celle de fossiles d’eau douce. […]
Le géologue qui parcourt les arrondissements de Cognac et de Saint-Jean-d’Angély, est frappé du contraste qui existe, dans une même contrée, entre une région formée presque exclusivement de coteaux ondulés et nettement taillés en relief, et une vaste plaine, uniforme dans toute son étendue, qui est située entre Saint-Jean-d’Angély, Matha, Neuvicq, Sigogne, Jarnac, Châteauneuf, Saint-Même, Cognac et Brizembourg. Cette plaine, connue sous le nom de Pays-Bas, est remarquable autant par sa physionomie particulière que par la nature du sol dont elle est formée. Pendant que les coteaux qui la dominent de toutes parts présentent une composition entièrement calcaire, le calcaire manque pour ainsi dire dans le Pays-Bas, et on n’y aperçoit que des terres argileuses dites terres fortes, lesquelles ressemblent d’une manière si frappante avec les limons que les grands fleuves accumulent près de leur embouchure, que la formation tout entière figure dans la carte géologique de France, et en grande partie, dans la carte géologique du département de la Charente Inférieure, par M. Manès, avec la teinte des alluvions modernes. Il est vrai de dire que les rivières de l’Antenne et de la Soloire, qui traversent la plaine à peu près dans la direction du nord au sud, sont entièrement encaissées dans des argiles, et que les prairies qui bordent ces deux cours d’eau et qui ont été formées à leurs dépens, ont un sous-sol tellement identique à celui qu’on remarque au-dessus des lignes qu’atteignent les rivières dans leurs plus grandes crues, que la distinction entre eux devient très-difficile à établir au point de vue géologique. Cependant, quand on prend en considération le parcours limité de l’Anteine [sic] et de la Soloire, et l’importance plus faible encore de quelques affluents, leurs tributaires, on ne saurait concéder à un bassin hydrographique aussi circonscrit que celui qui nous occupe, le privilège d’avoir déposé des alluvions plus considérables que celles de la Charente à son embouchure. 

À quelle circonstance spéciale la contrée du Pays-Bas est-elle redevable de sa physionomie propre et dont les traits contrastent d’une manière si frappante avec les accidents orographiques des coteaux qui la circonscrivent ? Cette circonstance est liée absolument à la nature minéralogique des éléments constitutifs du sol. Le Pays-Bas, en effet, occupe une dépression qui, à la fin de la période jurassique, a été remplie par un lac, puis successivement comblée par des sédiments argileux. Après le soulèvement de la chaîne jurassique, les agents extérieurs ont opéré la désagrégation de ces éléments friables jusqu’à une certaine profondeur, en les réduisant en une boue de consistance variable. L’agriculture ensuite les a façonnés en les modifiant avec intelligence et en les convertissant, suivant l’exigence de ses besoins, en terres arables, en prairies artificielles et en vignobles.
La plaine du Pays-Bas suit la direction du S.-S.-E. au N.-N.-O, qui est aussi celle qu’on constate dans les coteaux du sud-ouest de la France. Elle commence sous le bourg de Nantillé, dans l’arrondissement de Saint-Jean-d’Angély, et vient se terminer un peu au-dessus de Vibrac, à l’extrémité orientale de celui de Cognac, sur une longueur de 40 kilomètres environ. Sa largeur est variable et se compose de deux éléments distincts. Depuis son origine jusqu’à la hauteur de Réparsac, dans ce qui constitue, à proprement parler, le Pays-Bas, elle possède la forme d’un trapèze allongé, dont la longueur est de 21 kilomètres et la largeur de 12 kilomètres : mais à partir de Réparsac, elle se trouve resserrée considérablement entre les coteaux portlandiens de Chassors et des Métairies : de là elle passe sous Jarnac, d’où elle se répand sur les deux rives de la Charente, et vient se terminer entre Vibrac et les Molidards. Dans cette seconde section, elle dessine une espèce de fiord dont la longueur est de 19,000 mètres et la largeur moyenne de 4,000 à peu près. La formation entière comprend, par conséquent une superficie de 330 kilomètres carrés. […]

Nous indiquerons ici les altitudes, au-dessus du niveau de la mer, de divers points des coteaux jurassiques et crétacés qui dominent le Pays-Bas : Macqueville, 63 m ; Brie-sous-Matha, 48 m ; Sonnac, 52 m ; Saint-Hérie sous-Matha, 47 m ; Blanzac, 39 m ; Aumagne, 41 m ; Saint-Même (Charente-Inférieure), 46 m ; Bercloux, 58 m ; Brizembourg, 50 m ; Villars, 70 m ; Cherves, 58 m ; Solençon, 44 m ; Saint-Trojan, 47 m ; Chassors, 59 m; Jarnac, 41 m ; Chez-Ville, 37 m ; Molidards, 101 m ; Saint-Amand-de-Graves, 60 m ; Saint-Même (Charente) 59 m ; Sigogne, 79 mètres.

La moyenne de ces hauteurs est de 55 mètres.

Les altitudes des argiles gypsifères sont les suivantes : Aumagne, 30 m ; Ebréon, 26 m ; Authon, 21 m ; Migron, 22 m ; Mansac, 19 m ; Mesnac, 24 m ; Montgaud, 24 m ; Orlut, 17 m ; Bate-Chèvre, 12 m ; La Chagnaie, 13 m ; Chantegrolle, 12 m ; Triac, 23 mètres.

La moyenne est de 20 mètres.

La comparaison de ces deux séries montre que les argiles du Pays-Bas se trouvent placées à un niveau inférieur de 35 mètres, par rapport aux formations encaissantes ; et comme cette différence se maintient à peu près constante dans toute l’étendue du bassin, la dénomination de Pays-Bas appliquée à la contrée est très-bien justifiée par la confrontation des chiffres qui précèdent.” (p. 308-312)

Pour aller plus loin :

Même si les cartes géologiques récentes apparaissent plus complexes que celle de Coquand, elles n’ajoutent pas d’élément nouveau en ce qui concerne Mesnac : le territoire de la commune y figure partagé entre le faciès “à prédominance argilo-marneuse ou marnes à gypse” et les “sables souvent argileux à argilo-tourbeux et limoneux, à éléments calcaires” des alluvions de l’Antenne et de ses affluents. La carte d’InfoTerre est à cet égard la plus précise ; on y reconnaît (en Fz) les dépôts dus à l’Antenne, au Véron et au Fossé du Roy :

À propos de ce dernier, on constate, à la limite de Cherves, une solution de continuité qui s’explique sans doute par le fait que ce cours d’eau résulte de la jonction opérée (sous François Ier ?) entre deux ruisseaux : un affluent de l’Antenne, sans nom connu, et un affluent de la Charente qui, selon Gabriel Maître (Cherves, qui es-tu ?, s. d.), s’appelait le Baradis. Mais on notera également la trace d’un autre “ris”, s’achevant vers les Belins [sous les premières lettres de “Vignolles”], et qui était peut-être un affluent de l’actuel Fossé du Roy dont il prolongeait le premier cours en ligne droite, à partir du Pontet (voir Les Ponts). Comme il frôlait la pièce de terre autrefois nommée “le Sablon” (ici en rouge ; voir Les métairies), il peut s’agir du “ris du Sablon” figurant dans certains documents du fonds Frétard.

En raison de la faible pente, mais aussi du verrou calcaire qu’elle doit forcer pour rejoindre la Charente, l’Antenne se ramifie à la hauteur de Mesnac en trois bras (la rivière de Coulonges, le canal, ex-ris Martin, et la rivière de Chazotte) et en nombreux “ris”, formant ce qu’on appelait le marais. Compte tenu d’une documentation assez abondante, on consacrera une page à part à cette partie basse de la commune.

Nos ancêtres se sont accommodés du faible relief de la paroisse. Le bourg s’est développé pour l’essentiel sur une éminence qui domine le marais, comme on peut s’en rendre compte depuis le porche de l’église. Vignolle se situe déjà un peu plus haut et l’on constate que Pain-Perdu, Les Fosses et Masseville ont occupé les points les plus élevés du territoire.

Le Pays-Bas n’était peut-être pas un terroir idéal pour la vigne et, avant le XVIIIe siècle, la présence de celle-ci n’était guère attestée qu’à Vignolle (le Champ des Vignes et, bien sûr, le nom même du village) et dans les différents Plantis, Plantiers ou Plantes (entre les Grenussons et Pain-Perdu, et près de Chez Samson). À la veille de la Révolution, aucune des métairies de Mesnac ne comprenait une vigne dans ses terres. En revanche, quand ce vignoble se fut développé, la nature argileuse des sols a représenté une chance. Probablement avec quelque exagération, Ph. Glangeaud écrivait en effet en 1898 : “Toute la contrée formée par le Portlandien calcaire était couverte de vignes avant l’invasion du phylloxéra; aujourd’hui, les vignobles sont presque exclusivement cantonnés dans les Pays-Bas. Là où affleure l’argile, prospère la vigne et là seulement. Ce fait tient à ce que le sol étant constamment imprégné d’eau, le phylloxéra ne peut y vivre.” Il reste que le vin produit dans le Pays-Bas ne donne pas les eaux-de-vie les plus prisées pour la fabrication du cognac et, dans le décret de 1909 (voir carte), pris sur la base du classement des sols effectué par Coquand, Mesnac fut compris dans les Premiers Bois, et non dans les Borderies comme les communes voisines, Saint-Sulpice et Cherves dont une portion au moins se trouve dans le Pays-Haut. En 1938, une carte simplifiée versa les Premiers Bois dans les Fins Bois et Mesnac demeura dans son échancrure… Pour expliquer cette situation, on a dit que le maire avait été absent lors d’une réunion décisive, mais pouvait-il aller contre la géologie ? Cette exclusion, qui valait une décote de 10 % par rapport aux Borderies, présente toutefois un avantage : elle garantit la survie de la commune ! Un regroupement avec Le Seure et Mons étant exclu dans la mesure où ces voisines sont dans un autre département, on pourrait certes avancer beaucoup d’arguments, notamment historiques, en faveur d’une absorption par Cherves, mais cela supposerait de modifier la zone délimitée de production du cognac…

De fait, la fusion de Saint-Sulpice et de Cherves-Richemont, programmée pour 2024, réduit Mesnac à une enclave de Fins Bois au sein des Borderies. Faut-il reprendre le projet de 1791 pour lui annexer Masseville et Le Palain, de manière à autoriser éventuellement une fusion avec Bréville ? Outre que cela dévaloriserait les vignes du nord de Cherves, les deux communes à marier sont politiquement aux antipodes : comme quelques-unes de ses voisines de Charente-Maritime, Mesnac est devenu, hélas, un fief du RN alors que celui-ci ne fait qu’un très médiocre score à Bréville. Le plus sage semble donc être de s’en tenir au statu quo.