
Tournée vers le marais, au sommet d’une modeste butte dominant le confluent de l’Antenne et du Véron, l’église Saint-Pierre de Mesnac donne raison à l’abbé Nanglard, selon qui « c’est dans le voisinage des rivières et des fontaines, et à l’ombre des grands bois que se sont élevées nos églises plutôt que près des grands chemins » (BASH, 1902-3, page CIII). Le chemin étant en l’occurrence la voie Cognac-Matha.
Une tradition tenace prétend, sans la moindre preuve à l’appui, que l’actuel édifice serait le second construit à cet emplacement. La dédicace à saint Pierre est en effet un indice d’ancienneté et il est probable qu’on n’a pas attendu la fin du XIIe siècle pour doter le village d’une église…
En tout état de cause, celle-ci se distingue moins par son originalité ou la richesse de son décor que par la multiplicité des remaniements qu’elle a subis. À l’examiner en détail, on a le sentiment de se trouver devant un puzzle et, faute de connaissances suffisantes en architecture, je me bornerai à soulever les problèmes, espérant qu’un plus expert, découvrant les pièces du dossier, réussira à les ordonner selon une histoire logique. En attendant, le visiteur pourra s’amuser à ces quelques énigmes, voire tenter de les démêler…
Ce n’est pas une grande église : 22,2 m sur 6,85 selon Marvaud – mais Saint-Vivien de Cherves ne la dépasse que d’1,60 m en longueur et de 25 cm en largeur. C’est surtout le plan qui est élémentaire : un simple rectangle, en l’absence de transept et d’abside – comme de bas-côtés.

« Sur la façade ouvre une porte au cintre brisé, à trois voussures sur colonnes, dont les chapiteaux ornés de feuillages sont mal exécutés », note Jean George. Plus précis, Charles Connoué parle d’un « portail bas à tores et cordon de pointes de diamant (?) dont le cintre brisé s’appuie sur des colonnes très fines ; les chapiteaux ornés chacun d’une grande feuille de marronnier indiquent un art gothique débutant. »
Rien n’infirme donc le jugement de Pierre Martin-Civat, selon lequel l’église aurait été « rebâtie au XIIe siècle » – mais au XIIe siècle plutôt finissant. On peut en revanche douter de cette datation pour la partie supérieure de la façade, constitutive de ce qu’on appelle un clocher-mur : en premier lieu, la ou les traditionnelles fenêtres à colonnettes sont remplacées par un oculus tardif ; ensuite parce que le pignon habituellement triangulaire est ici à ressaut. (On pourra se livrer à d’intéressantes comparaisons grâce au site http://clochers.org/index.htm : voyez par exemple Notre-Dame d’Yviers et l’ église de Saint-Simeux, reconstruites ou remaniées aux XIVe ou XVe siècles – et dotées d’un oculus…)


1. Une église (modestement) fortifiée
Cependant, l’essentiel des remaniements a été daté du XVe siècle. Du siège d’Angoulême (1345) à la prise de Chalais (1452), les guerres anglaises et les ravages des routiers dévastèrent nos campagnes. « Les châteaux destinés à abriter les populations se raréfièrent (…) : les uns furent détruits par les Anglais, les autres démantelés après leur passage sur l’ordre du roi », écrit Charles Daras (« Les remaniements de l’architecture religieuse en Angoumois au cours de la guerre de Cent ans », MSAHC, 1959-50, pages 5-35), que nous suivrons ici. Ainsi le maréchal de Sancerre fit-il démolir le château de Jarnac en 1387. Pour se protéger à l’annonce d’une incursion, les paysans n’avaient plus que les églises, qui furent fortifiées en conséquence. Le lieutenant général Arnoul d’Audeneham avait prescrit la mesure dès 1352-1355 – et peut-être beaucoup de ces travaux sont-ils antérieurs à la date fréquemment avancée

Ils furent de plusieurs sortes :
* on encadra les églises de solides contreforts : six ici. On notera la forte pente de leur faîte, destinée à décourager toute escalade. Ces ajouts semblent avoir été relativement fréquents dans le diocèse de Saintes. C’est peut-être aussi à ce moment et pour les mêmes raisons que disparut l’abside, si son existence n’est pas une légende.
* on « suréleva les murs au-dessus des voûtes (pour) y créer des réduits improvisés appelés salles d’armes » (A. de Laborderie, « Les églises fortifiées de la Haute-Vienne », Soc. archéol. et hist. du Limousin, 1948, page 356, cité par Ch. Daras). La trace de cet exhaussement pourrait demeurer sur le mur sud, si la corniche correspond à l’entablement d’origine. Dans certaines églises, le mur surélevé était percé, à son sommet, d’ouvertures sans linteau – une sorte de crénelage, abritant un chemin de ronde. Il se peut que ç’ait été le cas à Mesnac et qu’ensuite, la toiture ait été refaite et ces murs « goutterots » rabaissés – à moins qu’on ne se soit borné à reboucher ces trous, s’ils ont existé. Le refuge au-dessus des voûtes est un peu bas « de plafond » aujourd’hui, mais, outre que la charpente a probablement été refaite ensuite, il faut bien voir que les actuelles voûtes montent probablement plus haut que les anciennes, qu’elles aient été en berceau ou en coupoles.
* surtout, pour accéder à ce refuge, on a construit une tour d’escalier percée de deux meurtrières, dont l’une, cruciforme, est une archère à viseur (voir les exemples des châteaux de Bonneval ou de Beersel) signalée par Daras… Peut-être cette « tour » servait-elle aussi de tour de guet avant d’être décapitée ou, au contraire, rehaussée. Les marches sont fort usées et certains ont voulu y voir la preuve que le refuge avait beaucoup servi…
Là aussi, la comparaison avec Saint-Simeux peut être éclairante : on y trouve, outre de gros contreforts aux angles, « accolée au mur sud, une ancienne cage d’escalier carrée se termin(ant) en tour de guet » – et détachée du clocher (Charles Connoué, Les églises de Saintonge, IV, pages 144 et planche 57). Voir aussi la tour qui flanque l’église de Villars-les-Bois.


2. Une simplicité très remaniée
Si l’on compare les fenêtres de l’édifice, on risque d’y perdre son latin : aucune n’est identique à une autre et il est bien difficile de restituer une chronologie.



Sur le côté nord, la première, à hauteur du chœur, comporte un cordon si proche de celui du portail qu’on peut les supposer contemporains. Mais, si l’on passe de l’autre côté, on trouve la trace d’une fenêtre rectangulaire, au linteau vaguement en accolade. La baie actuelle copie son pendant, mais n’est qu’une ouverture, sans élément de décoration, hormis la trace d’un cordon.
Or l’autre fenêtre sud, proche de la tour d’escalier, semble avoir eu une histoire exactement inverse : une ouverture haute, étroite et en tiers point, similaire à ce dernier détail près aux fenêtres du nord (avec peut-être le même cordon) a été remplacée par une fenêtre au cadre quasiment rectangulaire, au linteau en accolade mais dont l’ébrasement rattrape un arrondi.
Au niveau de la deuxième travée, la fenêtre nord copie vaguement sa voisine du chœur, mais elle est décalée en hauteur et d’apparence plus moderne, en tout cas moins travaillée. Il est vrai qu’elle a été ouverte au-dessus d’une porte murée, si basse d’ailleurs que le sol semble avoir été surélevé : s’agissait-il d’une porte des morts, qui n’était faite que pour livrer passage au cadavre ? Ou bien donnait-elle sur un bâtiment du prieuré, la fenêtre n’ayant été percée qu’une fois celui-ci détruit ?
Restent les trois fenêtres du fond du chœur, vaguement réminiscentes de la fenêtre nord « moderne »… Ce triplet rappelle ceux des églises templières. Si l’on ajoute la ressemblance entre le clocher-mur et celui de Châteaubernard, peut-être pourrait-on supposer l’intervention, lors de la réfection, d’un architecte « sous influence », mais sans pour autant avoir à faire intervenir les Templiers… De toute façon, ces ouvertures ne peuvent qu’être postérieures à la destruction de l’abside, si celle-ci a existé.

D’autre part, datés du XIIe siècle, les modillons de la première travée, privés de leur corniche, se trouvent à un emplacement étrange : sur un mur extérieur, et nu. Celui-ci porte d’ailleurs les traces très visibles d’importantes et multiples réparations et l’on perçoit un rougeoiement qui n’est probablement pas dû à mon logiciel photo (il n’a produit rien de tel ailleurs) : est-ce la trace d’un incendie ? Les modillons ont-ils été déplacés lors d’une reconstruction partielle ? Mais il serait assez étrange qu’on les ait installés à l’extérieur de l’église, sans protection. Alors ce mur donnait-il dans un bâtiment du prieuré (voir le dossier consacré aux desservants), détruit peut-être avant l’érection des contreforts – autrement dit pendant la guerre de Cent ans ?




(On trouvera de meilleure photos sur le site de l’Inventaire du patrimoine).
3. La disparition des coupoles
L’intérieur frappe par son aspect sulpicien – statues de plâtre, voûte étoilée du chœur – et l’Inventaire du Patrimoine mentionne des éléments de mobilier datés des années 1890 : outre les verrières (représentant les saints Paul, Pierre et Ausone), un autel de la Vierge et des fonts baptismaux. Tout cela reviendra peut-être à la mode un jour…
Les voûtes d’arête semblent homogènes. C’est pourtant là que se pose un nouveau problème, et de taille : y a-t-il eu ou non des coupoles comme à Cherves ?
En 1851, dans son livre L’architecture byzantine en France (p. 229-230), Félix de Verneilh dresse une liste des églises charentaises à coupoles en y faisant entrer, autour de Saint-Léger de Cognac, « Chastres, Gensac, Cherves, Mesnac et Bourg-Charente, toutes éloignées de moins de trois lieues, situées toutes dans cette partie du département qui provient du diocèse de Saintes ». De son propre aveu, il n’a jamais vérifié sur place ce qu’il en était et s’est uniquement fié aux assertions de l’abbé Michon (Statistique départementale de la Charente, 1844, p. 315) – en l’espèce « Mesnac – Nef à deux coupoles dans le genre de celle de Cherve. Le reste de l’église est lambrissé. »
La liste de Verneilh a été recopiée par Z. Rivaud dans ses « Observations sur l’origine et le caractère de l’architecture romane » (BSAHC, 1850, p. 157-158) ainsi que par Charles Chancel (BSAHC, 1851-52, p. 22). Il semble que l’abbé Nanglard ait fait de même un demi-siècle plus tard, dans son Pouillé historique du diocèse d’Angoulême (t. IV, 1903 ?), puisque Pierre Martin-Civat a ironisé sur son compte : « L’on peut se demander où le savant abbé Nanglard a vu deux coupoles à Saint-Pierre de Mesnac. Y vint-il jamais ? Nous en pouvons douter. » Pour lui, la nef a été « tout d’abord voûtée en berceau » (Cognac et le Cognaçais pittoresque, Poitiers, 1972, p. 317).
Même avis de Jean George (Les églises de France – Charente, Letouzey, 1933, p. 162) : « La nef, de deux travées, qui était voûtée en berceau, avec doubleau à deux rouleaux reçus par des colonnes sur dosserets, est couverte, depuis le xve siècle, d’une voûte d’ogives avec formerets et liernes ; les doubleaux sont en arc brisé et utilisent les supports du xiie siècle. Le chœur rectangulaire, précédé d’un grand arc partant de piles semblables à celles de la nef, est couvert de la même manière, avec consoles dans les angles. »
Charles Connoué (Les églises de Saintonge, t. IV, 1959, p. 98-99) est plus prudent, ou moins précis : l’église « a perdu ses anciennes voûtes et son abside semi-circulaire, les unes remplacées par une couverture sur nervures et l’autre par un chevet plat. La nef à deux travées et le chœur ont conservé des colonnes romanes adossées à des pilastres, surmontées de chapiteaux la plupart nus, quelques-uns ornés de feuillages, de torsades et de têtes humaines aux angles. »
François Marvaud (La Charente, répertoire archéologique du département, 1861, p. 282) décrivait pourtant un « plan en carré long avec deux coupoles ; arcs doubleaux ogivés ; piliers carrés massifs ; voûtes en lambris ; corniche étoilée à l’intérieur de la nef. Longueur, 22 m. 20 c ; largeur, 6 m. 85 c. » Puis P. Lacroix (Chroniques de l’Angoumois occidental, 1876, p. 116) évoquait une « église (…) dont le plan forme un carré long avec deux coupoles. Les arcs doubleaux sont fortement ogivés et une corniche étoilée est à l’intérieur de la nef. » Il est plus que probable que le second ait recopié le premier comme Verneilh l’avait fait de Michon. Mais Marvaud donne trop d’autres détails pour qu’on ignore son témoignage.
Quoi qu’il en soit, René Crozet (« Remarques sur la répartition des églises à file de coupoles », Cahiers de civilisation médiévale, 1961, note 2, p. 175), puis Charles Daras (« Les églises à file de coupoles dérivées de la cathédrale d’Angoulême », Cahiers de civilisation médiévale, 1963, note 8, p. 56) ont retiré Saint-Pierre de Mesnac de la liste établie par Verneilh. De même Pierre Dubourg-Noves (« Quelques réflexions sur les églises à coupoles des diocèses d’Angoulême et de Saintes », Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest, 1980, p. 455), mais celui-ci s’appuie sur un article de René Chappuis qui est loin d’être aussi péremptoire : « Cette église rectangulaire de trois travées, actuellement voûtée d’ogives, ne comporte de piliers susceptibles d’avoir porté une coupole que dans sa travée centrale. Aux deux extrémités Est et Ouest, on ne trouve que des consoles tout à fait insuffisantes pour avoir porté des coupoles. » (« Églises romanes françaises comportant plusieurs coupoles », Mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente, 1968, p. 115). Ce qui n’interdit pas de supposer, au lieu de voûtes en berceau qui ne sont attestées nulle part, l’existence de coupoles avant que l’église ne soit revoûtée en 1850, puis « à nouveau restaurée en 1894 par l’entrepreneur François Croizard, sous la direction de l’architecte Isidore Brunetaud » (selon l’Indicateur du patrimoine.) Plutôt qu’au xve siècle, la substitution par des voûtes d’ogives a pu avoir lieu à une de ces deux dates – y compris à la première, car l’information de Marvaud peut très bien avoir précédé de quelques années la publication de son livre –, et les consoles de l’ouest avoir été mises en place alors, en même temps qu’était supprimée la corniche « décorée d’étoiles » et remplacé le lambris du chœur par une couverture en briques copiant celles de la nef (et étoilée).


Un escalier de pierres usées s’ouvre à peu près à un mètre du sol, à droite, conduisant aux « combles » et à la cloche – j’en déconseille toutefois l’usage : cela suppose une gymnastique dangereuse et la fragilité des voûtes interdit des visites trop nombreuses. Il ne faudrait pas non plus déranger la chouette qui fait usage des lieux…
4. La cloche
C’est la seule partie classée de l’église (depuis 1943 !), et il est vrai que les cloches du XVIe siècle sont relativement rares en Charente (voir l’article de D. Touzaud, accessible sur le site d’André Balout) : la plupart furent enlevées par les Protestants, pour servir à leur culte ou pour être fondues. Cela explique la date de la nôtre : 1597. Peut-être victime de la même razzia, Saint-Sulpice avait baptisé la sienne en 1595. Toutes deux seraient à ajouter aux 18 recensées par D. Touzaud.

Le clocher-mur a-t-il été édifié pour abriter cette nouvelle cloche, en attendant une deuxième ? On aurait ensuite renoncé à avoir la paire et l’on aurait bouché la baie vide et réduit l’ouverture de la première, pour des raisons d’acoustique peut-être (mais à Châteaubernard par exemple, ces baies sont restées telles quelles). Toutefois il existe aussi un décret de juillet 1793 qui a confisqué aux églises leur deuxième cloche et le curé Bertrand était plus que vraisemblablement un curé « constitutionnel »…
Pour décrire notre cloche, je laisserai la parole à Gabriel Maître, auteur d’un article paru dans Aguiaine (novembre 1986, p. 729-732), mais qu’on pouvait déjà lire en 1983 dans le journal paroissial Ensemble :
« Cette cloche porte trois rangées d’inscriptions, une enclave et onze médaillons gravés, le tout occupant un bon sixième de sa surface. Au sommet du cuveau, il y a bien sûr les anses mais avec quelque chose de particulier : entre les anses proprement dites, il y a comme deux doigts qui prennent appui sur les faces du joug.
Partant du sommet, au premier rang, on lit : JESUS (une croix sur pied dans un petit médaillon) DEO GRATIAS HOMINIBUS FACTA – POUR L’EGLISE ST-PIERRE DE MESNAC- 1597.
Deuxième rang : une série de lettres entre points : I. N. B. M. N. R. H. T. I, une main index pointé, puis : PARAIN CHARLES CHESNEL ECUYER SR. DEL. A. CHATEAU DE REAULX.
Troisième rang : une main index pointé, puis : MARAINE FRANCOISE FILLE DE GOFROY MAR SR DE GRAVELOUR. PIERRE BRANDY I BLOIS
En enclave et superposés : (1) G. LE CHAMBRIER (2) P. DV.DIOCESE (3) DE CHARTRES B.



Pour les gravures, regardant l’ouest dans un rectangle de 6 x 4 cm et sous un dais : le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean. En dessous, dans un carré de 2 x 2 cm, le monogramme du Christ, IHS. Plus bas, un médaillon ovale, écartelé, avec personnages en figures et des inscriptions sur la bande qui est en bordure. La gravure semble très fine, mais il faudrait un sérieux nettoyage pour la rendre lisible.
Regardant le nord, dans un cadre 4 x 4 cm, saint Michel terrassant le démon.
Regardant le sud-est, dans un rectangle de 6 x 4 cm et sous un dais : une Vierge à l’enfant assise. L’enfant est nimbé et la Vierge en cheveux. En dessous, un écu composé de 4,5 x 4,5 cm à pointe triangulaire. Partie dextre, en chef, une roue à aubes (6 rayons et 6 aubes). En pointe, une partie de roue à aubes avec le moyeu, 4 rayons et 4 aubes. Sénestre avec trois faces représentant chacune une rivière. En dessous encore, un médaillon de 4 x 4 cm avec des lettres entrelacées : S O R, réunies en dessous et en dessus et dans l’axe de la lettre S par des barres dont celle du dessus et celle du dessous sont plus importantes ? Tout en bas, un tout petit écu à pointe triangulaire, illisible.
Regardant le nord-est, dans un cadre de 6 x 4 cm et sous un dais : une Pièta. En dessous, un médaillon dentelé avec des lettres en croix : D. N. (à l’envers) L. P., et au centre un I ou un J.
Regardant le sud, dans un cadre de 6 x 4 cm, un personnage en toge – peut-être saint Pierre ? »
Je n’ai pu vérifier l’ensemble des inscriptions, qui n’ont pu être transcrites aussi complètement qu’à un moment où la cloche avait été déposée. Je me demande cependant si, s’agissant du parrain, le texte ne serait pas plutôt : ECUYER SR DE LA CH[âtellenie] DE REAULX. Quoi qu’il en soit, le personnage est connu : c’est Charles-Roch Chesnel, âgé alors de 17 ans mais déjà seigneur de Mesnac et Cherves, ayant perdu son père en bas âge. C’est lui qui fera construire Château-Chesnel. Quant à la série d’initiales, j’avais pensé que les premières pouvaient être lues « In nomine Beatae Mariae… », mais, outre que cela n’éclairait pas la suite, l’Inventaire en donne une autre lecture tout en les plaçant après REAULX.
Mais qui est donc Françoise de Grand-Velours, la marraine ?
Pour la marraine, deux rectifications s’imposent. Il faut d’abord lire EMAR au lieu de MAR – comme l’a d’ailleurs vu l’auteur de l’Inventaire. Et ensuite, GRANDVELOURS, non GRAVELOUR. On peut alors trouver trace du père, pour commencer. Beauchet-Filleau consacre en effet une notice à Geoffroy AYMAR : « Ec., sgr de Grandvelours, la Fouillandrie, Grands-Ormeaux (Craon), fit accord, le 19 février 1600, avec René de la Motte et Joseph de la Motte, mari de Charlotte de Loubeau ; rendit foi et hommage à Jeanne de Saulx, dame de Mortemar et Vivonne, pour sa terre de la Fouillandrie, près du Fouilloux. Il se maria deux fois, d’abord avec Anne d’Allery (sans doute fille du sr de la Revétizon), puis avec Françoise Gendrot, fille de René, éc., sr des Grands-Ormeaux, et de Jeanne de Luces. Il eut du premier lit : 1° Esther, mariée avant 1596 à Pierre d’Auzy, sr de Lussaudière [à Prailles, dans les Deux-Sèvres] ; du deuxième mariage : 2° René [qui fit aveu des trois mêmes fiefs en 1612 et 1619, épousa en 1624 Jacquette Aymer, f. de Louis, sr de Brouilhon ; sans postérité connue] ; 3° Catherine, dame de Grand-Velours, mariée à Jacques, sr du Chilleau (Vasles, Deux-Sèvres), dont elle était veuve en 1657. »
Le père et le grand-père de ce Geoffroy étaient seigneurs de la Roche-Quentin, issus des Aymard seigneurs de la Roche-aux-Enfants et du Fouilloux, en Gâtine.
Le même Beauchet-Filleau mentionne aussi une Françoise Aymar qui pourrait être la nôtre : « religieuse à l’abbaye de Sainte-Croix de Poitiers, était sous-portière de ce monastère en 1620, et signe en cette qualité l’authentique du crâne de sainte Radegonde avec les autres dignitaires (M. A. O., 1881, 250). » Cependant, X. Barbier de Montault a donné, dans le premier numéro de sa Revue d’archéologie poitevine (1898, pages 281-283) un « Inventaire de la Fouillandrie en 1593 », tiré du chartrier du Chilleau, qui apporte des lumières supplémentaires. Geoffroy Aymar, qui « faict à présant sa demeure… au dict lieu noble du Grand Vellour » (une note de l’auteur précise qu’il ne s’agit plus que d’une ferme de la commune de Verger-sur-Dive), a fait apporter là les meubles de la Fouillandrie (« ferme, commune de Marigny-Chemerault. Ancien fief relevant de Bellefontaine ») afin de les partager entre « damoyselle Ester Francoyse et Renée Aymars, filles du dict Aymar et de deffuncte damoyselle Anne d’Acheury, leur mère« . Qu’il manque une virgule entre « Ester » et « Francoyse » ne serait pas plus étonnant que l’absence de « s » à « damoyselle » et l’on n’identifiera pas Françoise à Esther, l’épouse de Pierre d’Auzy, d’autant que celui-ci était protestant…
Brandy pourrait être le nom du fondeur (saintier) – mais le « I » ne se comprend guère dans cette hypothèse. S’agirait-il du graveur, « I » étant alors mis pour « incisit » ? Mais Brandy et Blois sont des noms de familles de Mesnac. Si ce sont des paroissiens qui sont mentionnés, quelle a pu être leur contribution ?
J’interpréterai enfin les derniers mots comme « G. Le Chambrier, p(rêtre) du diocèse de Chartres, (a) béni (la cloche) » – benedixit. Resterait à savoir pourquoi on ne s’en est pas remis à un ecclésiastique local : est-ce en rapport avec le choix de la marraine ?
Pour ce qui est de l’iconographie, l’Indicateur du Patrimoine suggère que le médaillon ovale pourrait représenter la résurrection du Christ. Quant au blason, il en donne une lecture plus conforme aux règles de l’héraldique : « blason mi-parti à trois roues de Sainte-Catherine et fasce de quatre pièces chargées de devises ondées ». Les roues de Sainte-Catherine sont parfois brisées d’un côté mais ce qui les caractérise, c’est leur circonférence armée de fers tranchants recourbés – ce qui pourrait être le cas ici…
Dimensions de la cloche (selon l’Indicateur du Patrimoine) : 56 cm de hauteur, 59 de diamètre.
Le cimetière entourait l’église. On y voyait une croix avec la date « 1610 ». Entre l’église et la route, à peu près à l’emplacement du monument aux morts, se serait trouvé un carré réservé aux protestants.
Le presbytère était à l’ouest, en face de l’église. Adossé à l’Antenne, il était doté d’un puits [de l’autre côté de la route actuelle, à gauche de l’église ?]. Le Pouillé le qualifie de « médiocre » – alors que celui de Cherves, « contigu à l’église », est déclaré « très beau et bien pourvu » et que celui de Saint-Sulpice datait seulement de 1763. Mais le prieuré devait être d’une autre ampleur…