La première mention de Mesnac date de 1326, à ma connaissance du moins. Le pape Jean XXII leva cette année-là des subsides dans la province ecclésiastique de Bordeaux (J. Depoin, « La levée des subsides du pape Jean XXII sur la province de Bordeaux et le diocèse de Saintes », Archives historiques de Saintonge et d’Aunis, tome XLV, 1914). Sur les quelque 4 000 livres tirées du diocèse de Saintes, le curé (capellanus) de Mesnac donna 40 sous tournois (soit 2 livres).

Burie n’a donné que 25 sous, mais « Charves » 6 livres 10 sous. Quant à Saint-Sulpice, sa contribution a été de 4 florins d’or, ce qui doit faire un peu plus de 4 livres (1 livre 1326 = 3,37 g d’or fin ; 1 florin = 3,54 g). Mais l’évêque de Saintes a versé 1 000 florins et son chapitre 100…
Un « prior de Antene » a versé 2 florins. J. Depoin place ce prieuré à Saint-Sulpice, mais on peut se demander s’il a raison, et si ce prieuré ne serait pas celui de Mesnac.

Ultime précision, bien navrante : tout cet argent fut probablement volé : à l’été de 1328, quand Jean XXII eut à payer son armée stationnée en Lombardie, il fit envoyer d’Avignon la somme – 60 000 florins – en pièces. Bien que gardé par 150 cavaliers, le convoi fut attaqué par les gens de Pavie et plus de la moitié de l’argent disparut. Ce hold-up du siècle a été rapporté par le chroniqueur florentin Giovanni Villani, Nuova Cronica, XI, 92.
XCII   Come quegli di Pavia rubarono la moneta che ‘l papa mandava a’ suoi cavalieri.
Nel detto anno, a l’entrante di luglio, vegnendo da corte da Vignone la paga de’ soldati che·lla Chiesa tenea col suo legato in Lombardia, i quali danari erano in quantità di LXm fiorini d’oro a la guardia di CL cavalieri, passando per lo contado di Pavia di qua dal fiume di Po, le masnade di Pavia ribelli della Chiesa, fatta posta della venuta de la detta moneta, e messisi in aguato, essendo passati parte de la detta scorta, sì assalirono il rimanente e misongli in rotta, e presono parte del tesoro, che furono più di XXXm fiorini d’oro, sanza i pregioni e cavagli e somieri e arnesi.
et P. Spufford (Handbook of Medieval Exchange) utilise l’épisode pour illustrer les dangers des transferts de fonds au Moyen Age.

Cette première mention est tardive, surtout si l’on compare aux paroisses voisines : si ce n’est pas Cherves, mais Herpes qui est mentionné dès 852, dans le cartulaire de Vierzon, comme chef-lieu de viguerie (A. Debord, La société laïque dans les pays de la Charente, Xe-XIIe siècles, Picard, 1984, page 85), on sait que son église fut donnée à l’abbaye d’Ebreuil un peu avant l’an 1100 et celle de Saint-Sulpice à la même abbaye en 1072, ou que, « en 1003, le comte [d’Angoulême] intervint dans un plaid pour faire droit aux réclamations de l’abbé de Moissac sur l’alleu de Coulonges, dans la viguerie de Migron » (A. Debord, op. cit., page 64) – mais, précisément, il s’agissait d’Ébreuil et de Moissac, non de Saint-Eutrope de Saintes, dont les archives furent détruites pour la plupart en août 1793 (voir Louis Audiat,  « Saint-Eutrope et son prieuré », AHSA, 1875, pages 249 sqq).

2. Quoi qu’il en soit du prieuré de l’Antenne, Saint-Pierre de Mesnac était « un prieuré-cure uni au prieuré conventuel de Saint-Eutrope de Saintes. Le chapitre cathédral de cette ville y a aussi des droits », écrit l’abbé Nanglard (Pouillé du diocèse d’Angoulême, t. III, 1903 ?, pages 383-4). Le même précise : « le prieur de Saint-Eutrope nommait primitivement seul (le curé) ; depuis la fin du XVIe siècle, il alterne avec le chapitre ; l’évêque institue. » Et, ailleurs (Pouillé, titre V), il explique que les monastères dont les constitutions le permettaient (Augustins, Prémontrés, mais non bénédictins comme à Saint-Eutrope) desservaient eux-mêmes les paroisses confiées par l’évêque : les paroisses dans ce cas étaient appelées prieurés-cures – l’autre cas étant celui où le ministère pastoral était confié à un prêtre séculier en échange de la « portion congrue », des moines ayant, au moins, à l’origine, leur résidence « près de l’église dans laquelle ils faisaient leurs offices, soit à l’autel principal, soit à un autel secondaire. » Nous allons voir qu’à Mesnac, le système n’était ni l’un ni l’autre.

On peut supposer que le prieuré proprement dit ne survécut pas à la guerre de Cent ans. D’autre part, les bénédictins ne pouvant desservir une paroisse et les chanoines du chapitre ne se souciant pas de s’enterrer dans un village, il leur fallait certes engager un vicaire. Ainsi on a pour 1565 l’exemple d’un Guillaume Béranger, chanoine de Saintes et curé de Mesnac (c’était apparemment le tour du chapitre), qui en engage un pour trois ans. Ce Laurent Foucault sera en fait le prêtre résident, vicaire « perpétuel » assurant la totalité du service :

« Messire Laurent Foucault sera tenu faire le service divin accoustumé en lad. église de Mesnac, administrer les sainctz sacremens et prescher la parolle de Dieu suivant le sens et coutume de l’Eglise… sans qu’il puisse délaisser à faire et continuer led. service divin et administrer lesd. sacremens en temps de dangier, d’adversité et tribulation de malladies s’il en arrivoit aulcunes en lad. parroisse… » [Archives départementales de la Charente-Maritime, E 1000, 1565, 25 février ; cité par Marc SEGUIN, « Le clergé séculier saintongeais au milieu du XVI° siècle », in François Ier, du château de Cognac au trône de France, Colloque de Cognac, 1994, Annales du GREPH, 1996, pages 96-97].

On verra plus loin les détails du contrat.  Le 6 mai 1733, comme Jacques Prévôt, prêtre et curé de Mesnac, avait donné sa démission, peut-être pour un changement de cure, ce fut le prieur de Saint-Eutrope, D. René Daubourg, nominateur à son tour, qui fit appel au desservant de Geay, Pierre Maillocheau, et celui-ci se démit aussitôt de sa cure.

3. Les titulaires de la cure entre 1642 et 1794 ont été énumérés par Nanglard, qui mentionne aussi à part un vicaire amovible, nommé pour bien peu de temps : « J. Coussière, 1673-74 ».

On peut toutefois retrouver la trace de deux desservants plus anciens. On a vu déjà mentionné le vicaire Laurent Foucault, engagé en 1565, mais les actes d’un procès pour infanticide conservé dans le Fonds Frétard des archives départementales comportent l’interrogatoire, comme témoin, en janvier 1533, de « Jehan Souldier, prebstre, demeurant à Mesnac » avec son père probablement, Girault Souldier, « marchand de laines » de 63 ans. Âgé de quarante ans « ou environ », Jehan déclare bien connaître le suspect depuis la naissance de celui-ci. Or ce suspect a alors la trentaine. Il faut donc supposer que ce curé était originaire des environs immédiats de Mesnac, sinon de Mesnac même.

D’autre part, on connaît deux Desmier qui ont porté le titre de curé de Mesnac : Jean, écuyer, né après 1526 et mort en 1560, fils d’un seigneur du Breuil de Blanzac (généalogie Ouvrard), mais sans doute était-ce comme Guillaume Béranger et comme Jacques Desmier, devenu titulaire de la cure en 1613 (Revue de Saintonge et d’Aunis, XXXII, 1912, p. 291, minutes du notaire Bertault) un « chanoine de Saint-Pierre de Saintes ».

L’acte de nomination de Pierre Maillocheau, qui nous est resté [Louis Audiat, « Saint-Eutrope et son prieuré », Société des archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, 1876, t. III, pages 137-8], donne une idée de la procédure suivie. En l’occurrence, c’était le prieur qui nommait et l’évêque qui instituait (les « provisions » à fournir sont les lettres mettant quelqu’un en possession d’un office quelconque et « institution » ne semble être qu’un équivalent en droit canon). Et, comme probablement son prédécesseur démissionnaire, Maillocheau allait de poste en poste (n’exagérons pas : entre 1642 et 1775, la durée moyenne des séjours à Mesnac est de 22 ans !).

« Monseigneur l’illustrissime et révérendissime évesque de Saintes ou messieurs les grands vicaires généraux, la cure de Saint-Pierre de Mesnac en vostre diocèse estant prezantement vacante par la démission que nous en a faitte messire Jacques Prévost, prestre et curé et dernier pocesseur d’icelle, par l’acte du quatriesme du courant reçue Jobet, notaire royal apostolique à Saintes, et controlée audit Saintes par Charton, dont, vacation arrivant, la nomination et présentation nous apartient à cause de nostre prieuré convantuel de Saint-Eutrope-lès-Xaintes, ordre de Saint-Benoist, en vostre diocèse, et à vous, Monseigneur, la provision, l’institution et toutte autre disposition à cause de vostre dignitté épiscopale, nous soubzsigné dom René Daubourg, prieur dudit prieuré de Saint-Eutrope, présant lieu, nous avons nommé et présanté messire Pierre Maillocheau, prestre et curé de Gay [Geay], présant diocèse, de bonne vie et mœurs, capable de bien et dhuement desservir la cure de Saint-Pierre de Mesnac pour estre pourveu d’icelle, vous supliant et requérant à cet effet de luy accorder toutes les provisions requises et nécessaires à l’effet qu’il en puisse prendre possession et gardant les formalités ordinaires sans préjudice à nostre droit ou à celluy d’autruy. Fait et passé en nostre maison prioralle dudit Saint-Eutrope, en présance de Joseph Formaget et de Michel Héard, estudiant en philozopie, demeurant au bourg dudit Saint-Eutrope, et par devant le notaire royal et apostolique à Saintes soubsigné, le sixiesme de may mil sept cent trante trois, avant midi. Et a ledit sieur prieur signé avecq lesdits tesmoins et le notaire soussigné, lesdites présentes et une expédition d’icelle, sur laquelle expédition ledit sieur prieur a posé le seau de ses armes. DAUBOURG, prieur de Saint-Eutrope. HEARD. FORMAGET. BREJON, notaire royal apostolique à Saintes. »

Le dernier curé, Bertrand des Brunais, qui représenta Mesnac dans les réunions préparatoires aux États généraux, appartenait, nous dit P. Martin-Civat, à la « bonne bourgeoisie cognaçaise » : il était le frère d’un premier échevin de la ville. Mais les Bertrand des Brunais possédaient aussi le fief voisin de Coulonge (P. Lacroix, page 107). Plusieurs de ses prédécesseurs semblent issus de milieux comparables. Dupont du Vivier, par exemple, venait probablement d’une famille de la région de Chalais, connue dès la fin du XVIIe siècle et dont certains représentants s’installèrent un moment en Acadie. En 1775, le Mercure de France annonçait le décès de Louis Dupont du Vivier, ci-devant gouverneur de l’Isle Royale, mort dans sa terre du Vivier en Saintonge, âgé de 93 ans : « il a laissé six fils décorés de la croix de Saint Louis ».

Les Béchade de Montbron ou de Marthon sont également connus depuis le XVIe siècle, comme les Desmier. Un Antoine Maillocheau fut curé de Sonneville, un Hélie Maillocheau était sieur des Souches  (AD, date inconnue) ; un Jean Maillocheau, sieur du Loret, avait été conseiller auprès du lieutenant criminel à Cognac en 1667 (AHSA 1871, p. 402). Cela étant, le nom est fréquent dans tout l’Ouest et l’énumération n’est pas probante.
Les autres noms sont également trop communs ou, comme Cendret, trop rares pour offrir des prises à la recherche, mais ces quelques données confirment, au moins pour la deuxième moitié du XVIIIe siècle, une origine familiale relativement aisée – mieux que les milieux de laboureurs (même à boeufs) évoqués par Marc Séguin pour le XVIe siècle (art.cit., page 97) : on oscille plutôt entre les notaires et la petite noblesse

4. Le revenu du desservant était néanmoins assez modeste : si l’on en croit l’abbé Cousin, « la cure de Mesnac, agréablement située, consistait simplement en prés, bois, champs et agriers, d’un revenu total de 150 livres et d’une valeur de 4 000 livres (Histoire de Cognac, Jarnac, Segonzac et d’un grand nombre de localités…, Bordeaux, imprimerie Gounouilhou, 1882, page 299) – la terre seigneuriale rapportant vingt fois plus. Et encore ce revenu était-il celui du « nominateur », apparemment ! Mais Ensemble, le journal interparoissial, donnait pour ce même prieur un revenu de 500 livres. Sans fixer davantage de date, mais on sait par ailleurs que l’estimation est de 1683 (…).

Nanglard est heureusement plus précis et ses chiffres nettement plus avantageux, pour le prieur en tout cas : à la veille de la Révolution (1783), le revenu consistait selon lui en 1 400 livres de dîmes affermées et 200 livres de rentes et agriers, sans compter les revenus propres du « domaine ». Les charges se montant à 230 livres de décimes [contribution payée au roi] en 1789. Pour comparaison, voici les chiffres des deux paroisses voisines :

Grosso modo, même si la dîme porte ici sur le treizième des « fruits » (grain, paille, chanvre, croît des troupeaux…), ailleurs sur moins ou sur une proportion inconnue, la charge pour les trois paroisses est quasi strictement proportionnelle à leur population : un tout petit peu plus de 3 livres par habitant. Ce qui distingue Mesnac, c’est le système de l’affermage : alors qu’à Cherves et à Saint-Sulpice, c’était le nominateur qui percevait les dîmes, versant au desservant la « partie congrue » [minimum fixé à 120 livres par an en 1571, porté à 200 en 1632 puis à 300 en 1686 et à 500 en 1768, les vicaires percevant quant à eux 100 (1634), puis 150 livres (1686)], dans notre paroisse le vicaire était le fermier, qui percevait les dîmes pour le curé non-résident et en gardait une partie, tout en devant se plier à certaines obligations dont le contrat passé en 1565 entre le chanoine Béranger et Laurent Foucault donne une idée :

« Messire Laurent Foucault […] dera les disnez, bancquetz et aultres fraictz accoustumez en lad. église… et soubstiendra toutes aultres charges ordinaires… Entretiendra tous les logis et grange de lad. cure… de la main de l’ouvrier seullement, et fera mectre et employer par chacun an six boisseaulx de plastre esd. maisons et logis à ses coustz et despens ez endroictz où ils feront besoing…
Affin de accomoder et de plus en plus enrichir les lieux de lad. cure, sera tenu led. Laurent Foucault planter par chacune desd. années douze piedz d’arbres fruictiers ez jardrin et housche [« terrain voisin de la maison et planté d’arbres fruitiers » – Littré], scavoir est trois poiriers, trois pommiers, trois pruniers et trois seriziers ou aultres bons arbres qu’il fera enter des greffons que luy donnera led. Bérenger…
Prendra en garde les fruictz de lad. cure… et lèvera pour ses gaiges, sallaires, vacations et service la quarte partie des dixmes de tous les fruictz et grains provenans en lad. parroisse… et quant aux dizmes du vin, les prendra toutes ; et oultre, prendra la moitié des cherves [chanvre] et lins en rendant l’aultre moitié aud. Bérenger toute berge [broyée], ensemble pourra prendre sa provision de fagotz dans la bois de lad. cure… sans dépopuler ne endommager les taillis et grands arbres.
Fournira pour recueillir sa part et cothité desdictz fruictz d’ung mestivier [moissonneur] qu’il entretiendra…
Pour le regard des rentes et terrages, led. Foucault n’y prendra rien, ny semblablement es fruictz provenans de l’housche…
Quant aux décimes…, led. Bérenger sera tenu l’en descharger du tout. »… dera les disnez, bancquetz et aultres fraictz accoustumez en lad. église… et soubstiendra toutes aultres charges ordinaires… Entretiendra tous les logis et grange de lad. cure… de la main de l’ouvrier seullement, et fera mectre et employer par chacun an six boisseaulx de plastre esd. maisons et logis à ses coustz et despens ez endroictz où ils feront besoing….
» (Marc Séguin, art. cit.)

Avec les mêmes stipulations, un vicaire de la fin du XVIIIe siècle aurait donc gagné au minimum 350 livres (le quart des dîmes), moins la main-d’oeuvre, le plâtre…, cependant que le prieur aurait tiré de son bénéfice à peu près mille livres, une fois acquittées les décimes. On notera au passage qu’en 1565, la cure ne se trouvait point trop dépourvue – cela étant, les guerres de religion n’étaient pas complètement terminées et il put y avoir quelques dommages en 1569 par exemple. On pourrait toutefois, en théorie, apprécier assez précisément l’ampleur des bâtiments restants, grange dîmière comprise, si l’on connaissait la valeur du boisseau. Il semblerait qu’elle ait été de 12,5 litres à Saintes. Admettons : quelle surface de murs peut-on remettre en état avec 75 litres de plâtre ?
À cela s’ajoutaient les « jardins de la cure » et l’housche (était-elle attenante ?), ainsi que des bois. Or on connaît par le Pouillé les étapes du démembrement de ce domaine : le 28 septembre 1791 fut vendu pour 5 450 livres un bois de 12 journaux (4 ha – sans doute le « bois Monsieur », l’appellation renvoyant au prieur) et, le 11 thermidor an III (29 juillet 1795), une terre subit le même sort pour 561 livres. Le curé Bertrand disparaissant en 1794, il ne restait plus grand-chose…

Le plus intéressant est toutefois ce que le « contrat » de 1565 nous apprend sur les ressources du Mesnac d’alors : céréales, fruits, bois, chanvre – n’oublions pas que, tout à côté, Cherves tire son nom de cette plante – et, probablement dans une mesure assez modeste, vigne : le fait que le prieur abandonne la totalité des dîmes sur le vin suggère que la production pourvoyait tout juste aux nécessités de la messe et à la consommation du vicaire et de ses commensaux… Le mémoire de l’intendant Bégon (1699) confirme d’ailleurs le peu d’étendue des vignes dans la paroisse.