Le plus ancien monument de Mesnac n’est même pas son nom, qui ne peut guère remonter en deçà des III-IVe siècles, mais peut-être sa voie que J. Piveteau qualifie de pré-romaine.

La voie romaine la plus proche est la voie d’Agrippa, reliant Saintes (Mediolanum) à Lyon par Limoges (Augustoritum) et qui traverse Cherves. Son tracé dans la région ne fait pas trop problème : « entre Chassenon et Saintes, écrit Lièvre (« Les chemins gaulois et romains entre la Loire et la Gironde », Mémoires de la société des Antiquaires de l’Ouest, 1891 ; 2e éd. Clouzot, Niort, 1893, réimprimée par J.-M. Williamson, Nantes, en 1987), la chaussée existe (encore) » – en particulier sous le nom de chemin des Romains, encore lisible sur certaines cartes – :
« …elle traverse Sainte-Sévère et la forêt de Jarnac, où elle a conservé son empierrement, touche à Cherves et franchit l’Antenne au pont de Saint-Sulpice. À l’entrée de l’ancien pont de Saintes, elle passait sous l’arc de triomphe de Germanicus » (pages 68-76).

Au surplus, elle fait séparation entre plusieurs communes : Saint-Sulpice et Saint-André, Sainte-Sévère et Réparsac, Courbillac puis Mareuil et Sigogne…
Dans le sens nord-sud, en dehors de la voie Poitiers-Saintes par Brioux et Aulnay, on se borne souvent à mentionner une voie Brioux-Jarnac qui traversait le cimetière d’Herpes. Au nord de celui-ci, elle « ne devrait pas s’écarter beaucoup d’un chemin qui délimite les paroisses d’Herpes et de Neuvicq, de Neuvicq et de Macqueville, de Neuvicq et de Siecq, de Siecq et de Saint-Ouen, de Brédon et de Beauvais, de Beauvais et de Cressé… (…) … Descendant vers le sud, la voie passe au port d’Herpes et au Bourg-des-Dames, et se dirige ensuite vers Jarnac, ou plutôt vers les Grands-Maisons, où il y a eu un établissement romain assez important, à l’ouest de la ville… » (p. 109).

Pour plus de détails, voir Cdt de la Bastide (« Les voies romaines et les chemins du Moyen Age dans le département de la Charente », in Bulletins et mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente – SAHC –, 1921, 8ème série, tome XII, pages 3-79), pages 65-66 ; Marcel Clouet, « En suivant deux voies préromaines de Saintonge », in Bulletin de la société des archives historiques de Saintonge et d’Aunis – SAHSA –, XLIII, 1928, p. 93-108, et carte p. 97 ; et, pour la partie sud, Robert Delamain, « Le chemin antique de Saint-Fort à Brioux », in Bulletin de la SAHC, 1926-27, pages CCII-CCVII. Du même, "Notes sur quelques voies antiques de la région de Jarnac", in Bulletin de la SAHC, 1923, pages LXXXIV à XCIV. Pour avoir une idée du schéma général des routes de la région à l'époque romaine, se reporter au site d'archéologie aérienne de Jacques Dassié.

Cependant, dès 1844, l’abbé Lacurie (« Notice sur le pays des Santons », Bulletin monumental, tome X, pages 590-633) signalait une voie Ébéon-Blaye qui nous intéresse beaucoup plus directement :
« Voie d’Ebéon à Blavia, n° 15. Cette voie partant d’Ebéon, passe à Saint-Julien de l’Escap où se remarquent les ruines d’un édicule ; gagne le Seure et Mesnac où de nombreux débris révèlent sa présence ; coupe la voie de Mediolanum à Augustoritum à l’ouest de la forêt de Jarnac, vis-à-vis Ste-Sévère ; passe près de l’abbaye de Gandaury, commune de Cherves ; franchit la Charente à l’ouest de Cognac ; passe au village de Bellevue, commune de Merpins, où se trouve une colonne milliaire, près de Latour, commune de Gimeux ; et pénètre dans le département de la Charente-Inférieure au Pas-de-Celles ; prenant la direction de l’Ouest, elle se dirige vers Bois, commune de Saint-Martial de Coculet ; passe à Jarnac-Champagne, Neuillac, Saint-Martial de Vitaverne, Jonzac, où des médailles impériales et quelques tumulus autoriseraient peut-être à voir une station, à St-Simon de Bordes, Courpignac ; enfin à Marcillac, point fortifié, et se ralliant avec Montendre, Bussac, Montlieu et Montguyon. De là, la voie gagne Etauliers et Blaye, dans la Gironde. » (page 620 – on a modifié la ponctuation pour améliorer la lisibilité).

À la même époque, l’abbé Michon (Statistique monumentale de la Charente, Paris-Angoulême, 1844) mentionne le même chemin, page 168, mais en le faisant partir de Saint-Jean d’Angély et en ajoutant une étape : « Salles, près des camps précédemment décrits » – les camps du Cot de Regnier, du chiron de Miot et du terrier du Cot, qu’il situe sur la « voie antique de Cognac à Jarnac-Champagne », p. 154. Voir également F. Marvaud, « Étude sur la voie romaine de Périgueux à Saintes dans la traverse de l’arrondissement de Cognac », in Bulletin de la SAHC, 1863, pages 271-318, et, pour la partie sud, J. Piveteau, « Une voie romaine », in Mémoires de la SAHC, 1949-50, pages 87-91.

 

On constate que Michon ajoute entre cette voie et la route Beauvais-Herpes-Jarnac une « voie de Sainte-Sévère à Angoulins… encore très-reconnaissable au nord de Sainte-Sévère. Elle passe auprès du fort de l’Abattu (…) Elle se dirige de Sainte-Sévère à Matha ; de là à Varaize, Loulay, Angoulins. Je conjecture qu’elle se rattachait, par Cigogne et Julienne, à la voie de Saintes à Angoulême, et donnait à cette dernière ville des communications directes avec cette forte position militaire. » (p. 167).

Le commandant de la Bastide ne mentionne pas la voie de Mesnac, mais il fait de Matha un carrefour de la voie Charroux-Saintes et de la voie Jarnac-Ste-Sévère-Aulnay-Angoulins qu’il fait passer par le Breuil-aux-Moines et Thors (pages 66-67).
Selon Joseph Piveteau (« Voies antiques de la Charente », in Mémoires de la SAHC, 1954, pages 33-56), la voie qui nous intéresse relierait bien Blaye, Salles-d’Angles, Cherves, Mesnac, non à Saint-Jean d’Angély via Ebéon – Lacurie se serait trompé à un croisement avec la voie Jarnac-Saint-Jean –, mais à Matha. « Nous sortons de la commune de Mesnac par le chemin de Cherves à Matha » (p. 42). Resterait à situer le carrefour entre Blaye-Matha et Jarnac-Saint-Jean d’Y…
Par ailleurs, J. Piveteau classe notre voie dans ces voies préromaines qui ont pour caractéristiques de suivre le cours des rivières, sur une ligne de crête, « sans souci des pentes », de ne pas mettre en relation des centres urbains auxquels elles préexistent, d’être plus sinueuses que les voies romaines et même, souvent, de se dédoubler (p. 34). Ces voies sont en jaune sur la carte suivante, les voies romaines étant en vert.

(d’après la carte de J. Piveteau)

Où situer cette voie sur la carte de Mesnac dessinée par E. Michaux en 1854 ? On commencera par noter que le bourg se trouve dans un cul-de-sac : le pont « du canal » ne sera construit que quelques années plus tard (1857 ?) et, pour aller à l’Isle, il n’est pas sûr que le pont attesté au XVIIe siècle ait subsisté : on m’a parlé dans mon enfance d’un gué dont les traces auraient demeuré près du pont actuel, au bout de l’étroit chemin en contrebas de la route et du mur du « château » (chemin par lequel on menait encore les vaches boire à la rivière dans les années cinquante). Quant à la route du Seure, elle a vraisemblablement été aménagée au moment où l’on a supprimé l’ancien cimetière entourant partiellement l’église, soit vers 1890. Les vieux se souvenaient qu’on allait « fréquenter » au village voisin en barque et l’on continue de raconter l’histoire d’un père qui s’était endormi au fond de son « batiâ » en attendant que sa fille quitte le bal… On prétendait même que, de part et d’autre du marais, on ne prononçait pas « moi » de la même façon : on disait « meu » à Mesnac, « mê » au Seure et « mouâ » à Coulonge !
La voie « romaine » ne peut donc être que le chemin vicinal n° 11, « de Cherves à Mons » et qui relie le pont dit de François Ier au moulin de Chazotte.

Plusieurs éléments militent en ce sens, même si l’on fait abstraction de la mémoire collective, péremptoire :
– ce chemin est constamment désigné, dans les actes du XVIIIe siècle, comme la route de Cognac à Matha alors que la grand’route actuelle, la D 85, n’était que le chemin de Cognac à Thors.
– la carte de Dupuy est accompagnée d’une sorte de gabarit, donnant la largeur des voies classées « par arrêtés préfectoraux des 16 juillet 1827 et 6 octobre 1840 ». Or, même s’il est déclaré « chemin vicinal de grande communication d’Aubeterre à Matha », le n° 21 ne faisait alors que six mètres de large, contre sept pour le n° 11. Celui-ci ne le cédait qu’au chemin n° 1 reliant Cherves à Vignoles (huit mètres) : l’écart était déjà en train de supplanter le bourg.
– c’est sur ce chemin n° 11 qu’on trouve deux des plus anciens « monuments » de Mesnac, que l’Indicateur du patrimoine et la base Mérimée du ministère de la culture ne recensent d’ailleurs toujours pas : le pont François Ier sur le Véron et le « pontet » de 1775 sur le fossé du Roy – voir Les PONTS. 
Le chemin devait comme aujourd’hui filer au nord, vers le Fourneau, Mons et Matha, en se tenant à l’écart de l’Antenne et du bourg du Seure. Épargné par le macadam, il permet aujourd’hui des promenades à peu près tranquilles, à pied ou à vélo, vers Château-Chesnel ou la Garnerie, à moins qu’on ne l’emprunte au retour de Chez les Roux, atteint en suivant le canal.