
Cette mairie-école bâtie en 1891-1896 par l’architecte cognaçais Isidore Brunetaud (voir le Dictionnaire biographique des Charentais, Le Croît vif, 2005) remplaçait une mairie précédente, dont la trace subsistait assez récemment encore le long de l’actuelle route des Fosses, ainsi qu’une première école, probablement proche aussi, qui avait bénéficié de travaux en 1874 (voir l’article Geay, dans le même dictionnaire). Vignolles – avec ou sans s – a donc assumé le rôle de « capitale administrative » de la commune dès les débuts de la IIIe République au plus tard, et probablement sous le Second Empire déjà. Le village a certainement dû ce privilège peu banal, acquis au détriment du bourg éponyme, à sa position centrale, au croisement de surcroît des deux principales routes de la commune.
Mais cette situation avantageuse ne remontait pas à si longtemps. Si l’on se reporte au cadastre de 1822, on constate que Vignolle était longé, ou plus exactement: contourné, par le chemin de Cognac, mais n’était relié aux autres hameaux (Pain-Perdu, Les Fosses) que par des voies très peu rectilignes :

Sur la carte de 1854, on découvre que le chemin n° 1 direct vers Mongaud et Cherves a été supplanté par une déviation, une nouvelle branche sud du « chemin n° 21 de grande communication d’Aubeterre à Matha », franchissant le Fossé du Roy par le pont du Peyrat :

Dernière étape : l’aménagement d’une route directe de Vignolle aux Fosses, d’où la configuration actuelle en croix :

La traversée du village, prolongement du “chemin 25 de Bourras à Taillebourg” semble dater de 1879 : cette année-là furent fixés les alignements sur 302 m. L’ancienne voie fut quant à elle déclassée en 1890.
Mais Vignolle revenait d’encore plus loin : jusqu’au milieu du XVIIe siècle, le village dépendait, non directement de Chazotte, mais de seigneurs des environs, qui le tenaient en arrière-fief. Selon Pierre de Puyrigaud dans son dénombrement de 1441, son « hostel de Vignolle » était tenu par le seigneur de Bréville. Mais un hommage de 1472 a été rendu par Jeanne de Coulonge, veuve de Jean du Chemin, à Jean de Puyrigaud et Vignolle restera durablement lié à Coulonge . L’hommage suivant, à un autre Jean de Puyrigaud, fut ainsi, en 1533, le fait de Jean de Montalembert, seigneur de Varaize et de Coulonge, qui eut de Jeanne de La Chambre, dame de Geay, épousée en 1520, Pierre, gouverneur de la ville et château de Cognac de 1553 à 1562. À celui-ci succéda son fils Guy, qui fut parrain de la cloche de Saint-Sulpice en 1595, mais cette branche des Montalembert s’éteignit à la génération suivante avec Jonas, mort sans descendance, jeune probablement. Coulonge et Vignolle passèrent alors aux Chasteigner, peut-être issus de la sœur de Pierre, Andrée, « mariée dans la maison de Chasteigner. D’elle descendait la branche de Coulonges », aux dires de Courcelles. Cela étant, si la généalogie des Montalembert de Varaize est incertaine, celle des Chasteigner est encore plus compliquée et elle est muette quant au rameau qui nous intéresserait ici. Toujours est-il que le dénombrement rendu à Charles Chesnel en 1626 l’a été par Marie Chasteigner. Celle-ci fit donation de Coulonge à Louis de Chaban, seigneur de La Vignat, qui céda à son tour la seigneurie à Jean de Cursay (ou Curzay), un protestant seigneur de Boisbretaud en Rouillac. Vignolle ne rejoignit la seigneurie de Chazotte que sous Josias Chesnel, qui l’acheta à Charles de Curzay, fils de Jean, en 1656, pour 7 000 livres.
Les Fosses relevaient probablement aussi de Coulonge. Selon le dénombrement de Gandory daté de 1562, le fief de Masseville, dépendant du prieuré, avait une de ses limites au “chemin que lon y va de Masseville à Menat et dudit chemin retournant le long du bois des Fousses, quoy tient de la seigneurie de Coullonges”. Ce bois est-il celui de la Charbonnière, ou a-t-il disparu ?
Le nom de Vignolle(s), très ancien, dénonce l’existence d’une petite vigne (vineola), dont le cadastre a gardé trace au nord-ouest du village : sans doute l’une des rares vignes de la paroisse avant le XVIIe ou le XVIIIe siècle. Quant au toponyme “Les Fosses », on l’a souvent rapproché à tort du nom du village voisin “Le Marais” ; le mot renvoie à des excavations, à tout ce qui peut être creusé artificiellement : mares, carrières pour l’extraction du plâtre (nous ne sommes pas loin de Champblanc) ou, peut-être plus sûrement dans la mesure où l’existence d’une chénevière est attestée vers 1760, fosses pour le rouissage du chanvre. En tout état de cause, l’altitude du hameau (voir « Géographie de la commune ») exclut a priori toute explication par la nature marécageuse du lieu.