À 24 m d’altitude (et non à 30 ou 31 comme je l’avais appris dans mon enfance), c’est le point culminant de la commune et on y a tout logiquement implanté le château d’eau. Mais, probablement pour la même raison et sans doute aussi, ou surtout, en raison de la proximité de la route de Cognac à Matha, c’est maintenant le secteur « en expansion ». Entre 1822 et 1854, il n’y avait guère eu d’évolution comme en attestent les cartes de gauche, mais une carte des années 1950 montrerait une situation quasi identique : les seuls changements étaient plutôt de l’ordre de la réorganisation du bâti dans le même périmètre – à supposer même qu’il n’y ait pas eu régression de la surface construite. Puis de nouvelles maisons sont apparues, d’abord le long de la route et sur la pièce de terre appelée la Coudraie, et l’étendue du hameau a fini peut-être par septupler : selon la source citée sous la rubrique Les Mesnacois, il regrouperait maintenant « au moins un tiers de la population » communale et « près de 50 foyers », contre sept en 1894. Mais cette croissance fut tout sauf linéaire : comme on l’a vu, Basque dénombrait 66 habitants en 1857 et Martin-Buchey seulement 39 en 1915.

cadastre napoléonien (1822)
carte de 1857
plan approximatif d’après une photo aérienne de 2008
(le plan cadastral qui suit montre que l’extension a continué,
notamment sur la pièce dénommée « le petit bois »).

Le hameau est doté d’un four qui vient d’être restauré en 2012-2013 et qu’on rallume maintenant chaque année pour une fête du pain. Cette restauration n’est pas la première : selon un acte notarié publié par Mme Mercier dans Aguiaine n° 265 (mars-avril 2008), les habitants de Pain-Perdu se seraient regroupés en 1894 pour rebâtir leur four, construit en 1764 et qui aurait pris feu à une date indéterminée. Sur la base de ce document, on a avancé l’idée selon laquelle le hameau, jusque là appelé la Coudraie, aurait été rebaptisé à la suite de cet incendie. Le malheur est qu’il existe un Pain-Perdu à Mesnac depuis bien plus longtemps.

Dans le dénombrement rendu en 1649 par le dernier seigneur de l’Isle-Mesnac, il est question d’une « mothe du pin perdu » qui se situait vraisemblablement dans le marais ou à proximité, mais surtout d' »une pièce de terre au Véron tenue par Thoisnet Texandier de Pin Perdu » – et cette fois, il ne s’agissait pas d’une motte, c’est-à-dire d’un pré ou d’un bois entouré de fossés.

Mais on peut remonter plus loin : sous François Ier, Jean de Puyrigaud mentionne pour sa part « ung boys appellé Painperdu assis en la parroisse de Mesnac » : à défaut du hameau, le nom existait déjà dans la première moitié du XVIe siècle (cet aveu remonte peut-être aux environs de 1515 plutôt qu’à la fin du règne).

La carte de Claude de Chastillon, topographe de Henri IV mort en 1616 (« Carte particulière des environs de l’estan ou lac de Soulenson pres la ville de Cognac entre les rivières de la Graneuse et Charante ») démontre clairement l’existence d’un lieu habité :

Certes, Chastillon le dénomme « les Poinctz perdu » mais, de même qu’il situe approximativement beaucoup de lieux-dits (ainsi Le Marais et Masseville), il déforme parfois les toponymes – Vaujompe devient Vauconche, par exemple, et Chazotte Chalotte – et on se gardera donc de spéculer sur ces « points ». Au reste, les Pain-Perdu sont nombreux en France et on range en général ce toponyme parmi les noms évoquant une terre ingrate : Tout-y-faut, Gâte-Bourse, Malassis… Pain-Perdu. André Pégorier glose : « endroit peu propice à la culture (Centre de la France) » ; certains ont même pensé qu’il s’agirait d’une corruption de « peine perdue ». Bizarrement, malgré la fréquence des villages dénommés Les Pins et bien que l’orthographe Pin-Perdu se retrouve assez souvent, personne ne semble avoir pensé à l’arbre. Mais l’explication par l’incendie d’une fournée, avancée en 2008, apparaît séduisante : après tout, l’incident ne devait pas être si rare et cette terre ne devait pas être si improductive, y compris en froment, à en juger par la rente que devaient verser les gens de Pain-Perdu à leur seigneur d’après la déclaration qui suit. À tout le moins, on peut parler de remotivation.

En effet, le fonds Frétard (AD 17, 20J13) conserve la copie d’une déclaration de 1658 dans laquelle, comme pour le four, les habitants (ou simples tenanciers) de Pain-Perdu semblent constitués en communauté – de sorte que nous disposons là, en principe, de leur liste complète. Agissant au nom de la vingtaine de chefs de famille du hameau, un huissier (« praticien »), un tisserand et deux autres rendent aveu à Josias Chesnel d’une possession collective, qui se limite à deux mas de terre : Pain-Perdu même et le Petit Bois. On relèvera au passage que ces deux terrains relevaient de la seigneurie de l’Isle, acquise par Josias en 1655 : le dénombrement fait sans doute suite à cet achat.

Certes, on ignore où se trouvait la terre de Jean Texandier, de sorte qu’on ne peut délimiter le mas de Pain-Perdu à l’ouest, sauf à calculer son emprise en se fondant sur sa superficie de 12 journaux 45 carreaux. Si le pied est celui d’Angoumois, soit 34,7 cm, ce qui met le carreau à 39 m2 et le journal à 3485 m2 (39 x 89,33), on aboutit à une surface de 43 577 m2, soit près de 4,5 hectares. Il suffirait d’une largeur de 150 m environ, la longueur de la pièce comprise entre le(s) Vairon(s) et le chemin de Mesnac à Pain-Perdu atteignant au moins 300 m  telle qu’on peut la mesurer sur le cadastre en ligne. Mais cela supposerait d’exclure la Coudraie et ses 2,5 ha environ… ou bien, ce qui paraît plus probable, de ne pas faire entrer en compte la surface bâtie (2,3 ha ?). Accessoirement, on notera que la Coudraie, même si elle ne portait peut-être plus de noisetiers (« coudriers »), ne comportait aucune construction d’après les cartes les plus anciennes…

Quant au Petit Bois, ses 10 journaux 63,5 carreaux feraient à peu près 3,7 ha, alors que la pièce actuellement cadastrée sous ce nom semble ne mesurer que 3,1 ha au plus. La mesure était-elle approximative ou faut-il décaler les Lepasses (nom de la bardane en saintongeais) et le Petit Pré vers le bas (le sud) de manière à retrouver le demi-hectare manquant ? Le Petit Pré est seul mentionné dans le dénombrement de l’Isle de 1649, mais sans localisation précise : « plus une pièce de terre appellée le petit pré / autrement l’Esseris / renfermée de toutes pars de palisses, fossés et chemains / prés et buissons ». Le mot « Esseris » a peut-être été mal lu mais il paraît être un mixte d’« esserts » (ou « essarts ») et d’« essepis », deux termes à peu près synonymes et qui indiquent le résultat d’un défrichage. On rappellera à ce propos que la carte de Cassini (1766) montre des bois autour de Pain-Perdu.

Le souvenir des Samson demeure dans deux toponymes de Mesnac : la Samsonnerie tout au nord et Chez Samson tout au sud. Cependant, je n’ai pas rencontré ce nom dans les archives auxquelles j’ai eu accès. Peut-être faut-il le lier au hameau, plus important, de Chez Samson dans Migron : la famille aurait essaimé comme les Picq de La Croix de Picq, dans Cherves, et de la Terre aux Picq (devenue la Terre aux Pies), dans Mesnac.
La Samsonnerie a abrité ce qu’il est convenu d’appeler un peu improprement une « maison noble », ce à compter du début du XVIIe siècle : un Charles, sieur de la Samsonnerie, fils de Charles Demontis, seigneur de l’Isle (mort vers 1620), est mentionné comme on l’a dit en 1632, puis encore dans les années 1650-1660, notamment à l’occasion du procès intenté à son neveu pour une tentative de mariage forcé. Il a probablement eu un fils, Pierre, également sieur de la Samsonnerie, qu’on ne connaît que par le remariage de sa veuve, Catherine Couvidou (de la famille des seigneurs de Fleurac), vers 1690. Dans les années 1760, apparaît dans les documents un Jean Birot, également sieur de la Samsonnerie, probablement procureur fiscal de la « baronnie du Seurre » mais qualifié de « bourgeois de Saintes » dans les pièces d’un procès intenté par sa veuve Marguerite Perreau vers 1788.

« On trouve, à une lieue de ce premier amas de plâtre [celui de Cherves] et dans la même direction [à partir de Cognac], un second amas au lieu dit La Sansonerie. Le banc de plâtre n’a que trois pieds d’épaisseur, & n’est recouvert que de six à sept pieds de marne argileuse. Cet amas, qui est exploité comme le premier, ne fournit que du plâtre blanc & du lard [plâtre à filet, gypse strié]. Il y a des blocs de plâtre blanc, qui ont reçu une teinte de couleur de chair. » Nicolas Desmarest, Encyclopédie méthodique, 1794, article « Angoumois », p. 625-626.