(Même si le gentilé officiel ( ?) semble être « Mesnacais », je me suis toujours senti « Mesnacois » ! C’est donc le mot que j’utiliserai.)

Selon Boissonnade (Essai sur la géographie historique et sur la démographie de la province d’Angoumois du XVIIe siècle au XIXe, Angoulême, 1890), les Mesnacois, donc, étaient 318 au début du XVIIIe siècle (1700-1726) mais Saugrain (Dénombrement du royaume, tome I, p. 269), en 1709, période noire il est vrai, ne comptait que 68 feux, soit peut-être moins de 300 habitants (202 feux à Cherves, 120 à Bréville…) ; en 1720, le même en dénombrait 70. 

On renverra à l’article « Mesnac » de Wikipedia pour le tableau complet de la démographie communale depuis la Révolution. On y constatera :

* une croissance assez continue de 1793 (398 habitants) à 1831 (566 hab., mais ce dernier chiffre est douteux, comme les 460 mentionnés par l’abbé Cousin pour 1791 ; Boissonnade ne donne que 480 habitants en 1830) ;
* ensuite, la population se maintient juste au-dessus de 500 habitants jusqu’en 1872 – Boissonnade parlant même de 702 habitants en 1860 contre 514 dix ans avant et 505 dix ans après ! – avant que ne se fassent sentir les effets de la crise du phylloxera,
* mais, une fois le plus bas atteint (1886 : 436 habitants), on assiste à une légère reprise (499 habitants en 1901), suivie d’une nouvelle décrue, très forte pendant le premier quart du XXe siècle (- 190 habitants entre 1901 et 1926 !), mais qui se prolonge jusqu’au début des années 1980 : la population oscille alors autour de 250 habitants, soit une chute de moitié par rapport aux années 1830-1870. Jusqu’ici, ce schéma n’a rien d’original : on retrouve à peu près le même dans les communes voisines.
* mais, ces trente dernières années, la croissance démographique a repris et les Mesnacois sont maintenant plus de 400 (environ 415 depuis 2011).

Des habitants de Vignolles il y a probablement près de cent ans. Détail d’une carte postale reproduite dans le blog de Sylvie Bernard qui mérite bien quelque publicité, ne serait-ce qu’en contrepartie de cet emprunt.

On a vu (Géographie de la commune) que le centre de gravité de la commune s’était déplacé vers Vignolles, désormais plus peuplé que le bourg. Quand le rapport s’est-il inversé ? Une comparaison des données fournies par J. B. A. Basque, (Dictionnaire des communes… de Charente, 1857) et par J. Martin-Buchey (Géographie historique et communale de la Charente, t. 2, 1915, p. 95-96) ne donne qu’une fourchette trop large :

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Les chiffres du recensement, accessibles de 1841 à 1911 sur le site des archives départementales, permettent de préciser la date : au tout début de la IIIe République, en 1876 à peu près : 

Le premier tableau montrait aussi, accompagnant celle de la population totale et du bourg, une nette décrue des petits habitats isolés qui ne regroupaient plus que 44 habitants en 1915, contre 83 en 1857, et même, plus surprenante quand on sait que ce hameau abrite aujourd’hui un tiers des Mesnacois – selon un article de la Charente libre du 30 décembre 2014, on y serait passé de « sept foyers en 1894 à près de cinquante » – une forte diminution de la population de Pain-Perdu. Le second tableau inciterait à relativiser ce constat. D’une part, selon les recensements officiels, le nombre d’habitants de Pain-Perdu aurait été de 54 en 1846 comme en 1861, puis, tombé à une petite quarantaine ensuite, aurait chuté de 44 à 29 entre 1881 et 1886, avant de remonter à 44 en 1896. Aux Fosses, en revanche, c’est en 1876 que serait intervenu un net fléchissement, d’ailleurs vite comblé mais qu’il faudrait essayer d’expliquer…

Évoquant le Mesnac d’avant la Révolution, Pierre Martin-Civat (Cognac et le Cognaçais pittoresque, 1972, p. 319-320) cite pêle-mêle des familles « Joyaux, Lacoste, Dousset ou Boisferon, Hergonneau, Baron, Laubier, Chaillot ou Bouteleau », où l’on était « laboureurs à bœufs ou à bras, maçons, charpentiers, tisserands, marchands en relations constantes avec le négoce et ses facteurs d’eau-de-vie, propriétaires déjà aisés… ». Puis, sous la Monarchie de Juillet, il note « quelques solides aisances avec les Bouchard, les Aubouin, les Laubier, les Jean, les Bouteleau, les Brunet et les Lacoste ». Enfin, vers la fin du Second Empire, il mentionne le boulanger Roque, les épiciers-merciers Guichard et Savarit, le tonnelier Ollivier, le cordonnier Alexis Roy, le cafetier-marchand de bois Déméré et, vers 1900, il dénombre « sept négociants d’eau-de-vie et distillateurs, dont quatre à Vignolles ».

Mais, grâce au fonds Frétard, on peut remonter plus loin que ne le permettent les registres d’état civil consultables en mairie. En 1533, on découvrira des laboureurs à bœufs ou à bras nommés David, Aubineau, Courtois, Gaillon, Jean, Nepnonault, Pommier, Robert, Sicard ; le curé Souldier et son père marchand de laine, le meunier André Renou de Chazotte, le prévôt Sanzay et le juge Sauvan.
Cependant, la pièce la plus intéressante est le terrier de 1763-64 bien qu’il soit incomplet :

Exactement la moitié des 38 déclarants (qui ne sont pas tous de la paroisse) sont laboureurs (14) ou journaliers (5) ; parmi les premiers, un seul est identifié comme laboureur à bras, 4 sont des laboureurs à charrue. On compte en outre 3 marchands – probablement de bestiaux, vu l’étendue des terres qu’ils exploitent à l’est de la paroisse (Pierre Bastard des Fosses et ses deux beaux-frères de Matha) et 11 artisans. Parmi ces derniers, il y en a 4 qu’on pouvait s’attendre à trouver : un maçon (Jean Touard à Vignolles), un maréchal ferrant (François Brandy au Marais) et deux tisserands (Christophe Bigot au bourg et François Rullier à Vignolles). La surprise, et la découverte, c’est l’existence, parmi les 15 déclarants du bourg de Mesnac, de 7 tourneurs en bois (Jean Brandy, Pierre Tenot, Michel Émery, Jean Thibaud, Guillaume Chebineaud, Jean Rambaud, François Cuette) et de la veuve d’un huitième (Nicolas Lamiraud). Il s’agissait visiblement de l’artisanat local…
Cette spécialisation du bourg remontait au moins au siècle précédent : on a trace en 1669 d’un « Julien Cousseau, tourneur en bois, demeurant au bourg de Mesnac », qui avait épousé une fille d’Aujac (« Monographie de la commune d’Aujac » par M. Égreteau, Recueil de la Commission des arts de Charente-Inférieure, 1897, p. 52).
Que fabriquaient-ils ? Selon le dictionnaire de Richelet (1680), le tourneur est « un artisan qui façonne du bois au tour, & qui fait tables, chaises, gueridons, armoires & cabinets de bois de noier, & pour cela on l’apelle quelquefois tourneur en bois de noier pour le distinguer du tourneur en bois blanc qui ne fait que des chaises de paille sans être tournées, des échelles & autres choses de bois blanc. »

On trouvera ailleurs la biographie de Geoffroy de Beaumanoir, considéré jusqu’ici comme le premier seigneur de Mesnac, celle de l’amiral d’Orvilliers, qui bâtit l’hôtel baptisé aujourd’hui « château de Mesnac », ou encore le peu qu’on sait du Demontis dont Agrippa d’Aubigné nous apprend qu’il combattit du côté protestant pendant les Guerres de Religion, sous le nom de «Lisle-Ménac ».

Anatole ANDRÉ (Mesnac, 12 avril 1862 – Merpins, 1920) était le fils de l’épicier du bourg (qui ne savait pas signer). Il fit ses études à l’école normale de Poitiers puis, après avoir été instituteur adjoint en Charente, entra en 1885 à l’École normale supérieure d’instituteurs de Saint-Cloud. Il fut ensuite maître adjoint dans les écoles normales de Saint-Brieuc et de Rennes avant d’être nommé en 1893 inspecteur de l’instruction primaire, avec pour premier poste Montmorillon. Il passa ensuite à Cahors (1897) et à Alençon (1901). Là, il se lança dans la politique, entrant au conseil supérieur de l’Alliance républicaine démocratique (centre gauche) et prenant la tête du journal républicain l’Avenir de l’Orne. Il échoua aux élections de 1906. Franc-maçon, il était violemment pris à partie par les cléricaux du département, où il se trouvait encore en 1911. (Pas d’informations sur la suite, jusqu’à sa mort prématurée à 58 ans).
Il est l’auteur d’Une aventure de François Ier (1890, voir « Les ponts »), mais aussi d’un Livre d’écriture (1895) proposant des modèles pour les écoliers, maintes fois réédité. Il avait épousé en 1888 la fille des instituteurs de Mesnac, les Laidet.    

Jean JOUBERT, dit Rabajoi (Mesnac, 31 mai 1884 – Cherves, 7 mai 1934), peintre, graphiste et polytechnicien, est né aux Fosses, où sa mère était venue accoucher chez ses parents Archambaud.
A fait partie à Cognac du groupe des Amis des arts, devenu en 1912 la Palette cognaçaise, créé par Geo Maresté et Olivier Flornoy. Devenu prof à Polytechnique où il avait été admis en 1904, spécialisé dans la résistance des matériaux, il aurait commencé avec Maresté une étude sur le « poids de la lumière » interrompue par la guerre de 1914-18 qu’il fit comme capitaine d’artillerie (Charente libre du 18 février 2009, interview de Gérard Dufaud).
Il a publié La Saint-Guy, petit atlas de pathologie externe à l’usage des gens du monde, 56 lithographies (1913), Quelques dessins sur la guerre (1917), Biarritz (autre album de caricatures, vers 1920) et on peut trouver sur Internet deux couvertures de lui pour Vanity Fair (vers 1914). Voir aussi François Wiehn, Dictionnaire des peintres de Charente (Geste éditions, 2016). 
 Il décora l’Escale à Saint-Tropez de paysages, de courses de taureaux, de personnages et de trompe-l’œil exécutés aux ciseaux : Colette y fait référence (O. C., tome 10).
 « Artiste de grand talent, homme intelligent et cultivé, Rabajoi avait rénové les arts de la décoration, de la caricature et de l’affiche, avec autant de hardiesse que de goût. Si sa carrière ne fut pas aussi éclatante qu’elle aurait dû l’être, c’est que Rabajoi était d’une indépendance totale et farouche et qu’il préférait ses fêtes de Saint-Tropez ou ses méditations dans la Charente à la vie fiévreuse de la capitale » (Ouest-Éclair du 12 mai 1934).

Le général Pierre ANDRÉ (1889, Mesnac – 1964, Paris). Fils aîné d’Anatole, alors en poste à Rennes, il est né à Vignolles, sa mère étant venue accoucher chez ses parents Auguste et Marie Laidet, les instituteurs de la commune. Élève de l’École des langues orientales (russe, arabe), puis engagé volontaire, il est fait prisonnier en 1916, à Verdun où son frère cadet trouve la mort. Mais il a fait l’essentiel de sa carrière dans les troupes d’infanterie coloniale (tirailleurs) : Algérie, Maroc, Syrie, Madagascar, Indochine. Lors de la deuxième Guerre mondiale, rapatrié en 1941, le colonel André est nommé commandant militaire du département du Var, puis commandant de la division territoriale de Constantine (Algérie), avec le titre de général de brigade : il est alors  responsable de la zone arrière d’armée des troupes françaises et alliées se battant en Tunisie contre les puissances de l’Axe. Il restera dans le Constantinois jusqu’à sa retraite (juillet 1946), précédée de sa nomination comme général de division, et ses rapports sont fréquemment cités par les historiens de la guerre d’Algérie, notamment à propos de l’insurrection de mai-juin 1945.

Source : La guerre d’Algérie par les documents, tome I (1943-46), sous la direction de Jean-Charles Jauffret, Service historique de l’armée de terre, 1990 (p. 511). P. André est également mentionné dans Pouvoir politique et autorité militaire en Algérie française, de Michel Hardy et al., 2002 (p. 272). M. Lionel Fricaud-Chagnaud, apparenté à la famille André, me signale que Pierre André est l’auteur de plusieurs études ou romans, sous son nom ou, plus souvent, sous le pseudonyme de Pierre Redan (anagramme qui, par chance, a une connotation militaire !). Une première série de publications date des années vingt : La Cilicie et le problème ottoman, commentaire de l’occupation française de 1918 à 1921 (1921) ; L’Islam et les races (2 vol., 1922, où « il insiste sur les différences entre l’Islam arabe et son héritier l’Islam turc, et sur la subordination croissante de la foi à la politique », écrivit un spécialiste qui releva par ailleurs quelques approximations historiques tout en notant la sûreté de son information sur les régions où André avait été en poste) ; Aux confins du pays berbère, journal de route (1922) ; Du temps où j’étais pirate (1922) ; L’Islam noir (1924) ; et deux romans en collaboration : L’étendard vert (1926) et La captive de Kurd-Mourad (1931). Il ne reprit ensuite la plume qu’une fois retraité : Ce que devient l’Islam devant le monde moderne (1952, en collaboration), L’Asie menace, l’Afrique attend : la mission de la pensée française (1953, en collab.) et Le réveil des nationalismes (1958).

Charles BOUTELLEAU (Logis de Coulonge, 1903 – Saint-Cloud, 1987). Propriétaire de l’hôtel d’Orvilliers, il a fait à la Métairie neuve des essais de ferme modèle plutôt infructueux. C’est avant tout un ingénieur, inventeur et industriel : à partir de 1928, il met au point et commercialise sous la marque Mélodium des microphones qui connaissent un large succès ; en 1948, dans les mêmes locaux de la rue Lecourbe à Paris, il crée la machine à laver Laden, qu’il dote en 1960 du premier dispositif d’essorage.

Ginette MERCIER, dite « La petite Châtenette » (Bordeaux, 1925 – 2020), « patoisante ». Le saintongeais de ses monologues est celui de Mesnac, appris auprès de sa grand-mère de Pain-Perdu, Anatolie Châtenet – d’où son châfre.